Le renforcement des aides pour la filière Montagne jugé insuffisant par les grands opérateurs
Le Gouvernement a annoncé le 1er février un élargissement du Plan Montagne à d’autres types d’entreprises (ingénierie, commerces de matériel…). Et un renforcement du fonds de solidarité pour les Hébergeurs et Restaurateurs. Son volet « coûts fixes » est étendu aux TPE-PME réalisant moins d’un million d’euros de CA par mois. Mais il reste plafonné à 3 millions d’euros. Les ETI (70 % des lits professionnels en montagne) demandent son rehaussement à au moins 10 millions d’euros.
Les mesures initiales du « plan Montagne », annoncées le 11 décembre 2020, n’étaient plus à la hauteur des besoins de la filière. Depuis le 14 mars 2020, tous ses acteurs sont frappés de plein fouet. Ils vont subir maintenant une saison hivernale proche du néant. Faute d’une réouverture des remontées mécaniques.
Le Gouvernement a donc du préparer à la hâte un nouveau train de mesures. Jean Castex et ses 7 ministres les ont détaillées lors d’une visioconférence le 1er février. Leur faisaient face une dizaine d’élus de montagnes et autant de représentants professionnels.
Ces dispositions, pas vraiment nouvelles, renforcent, surtout, celles déjà annoncées en décembre. On retiendra d’abord l’accès au fonds de solidarité des commerces de matériel de ski. Ainsi que des entreprises situées en amont de la chaîne de valeur des activité montagne. Ingénierie. Menuiseries. Fabrication des remontes pentes.
Comme celles des secteurs déjà bénéficiaires du « plan tourisme » (liste S1bis), les unes et les autres pourront obtenir une aide plafonnée à 10 000 euros par mois. Et jusqu’à 20 % de leur CA dans la limite de 200 000 euros par mois, pour celles qui perdent plus de 70 % de leur chiffre d’affaires.
Taux majoré de prise en charge de l’activité partielle
Sur le plan social, ces entreprises bénéficieront d’un taux majoré de prise en charge du chômage partiel de leurs salariés, saisonniers inclus. Comme c’est le cas aujourd’hui des listes S1 et S1bis. Sous la condition qu’elles perdent 50 % de leur chiffre d’affaires. La prise en charge à 100 % des contrats saisonniers au titre de l’activité partielle se poursuivra, en principe, jusqu’au 15 Avril. L’Etat prendra également en charge à 100 % de leurs frais de formation, dans le cadre du dispositif FNE-Formation.
Un nouvel ajustement cible cette fois les secteurs les plus affectés par la crise. En particulier les hôtels, villages vacances, résidences de tourisme et restaurants. Le gouvernement avait déjà annoncé (notre article du 15 janvier ), au titre du fonds de solidarité, une aide aux coûts fixes pour les entreprises réalisant plus d’1 million d’euros de CA. Ce nouvel étage pouvant couvrir 70 % de ces charges récurrentes, les loyers en premier lieu. Avec une limite fixée à 3 millions d’euros d’aides sur le premier semestre 2021.
Nouvelle donne du 1er février, cette aide sera désormais accessible aux entreprises réalisant moins d’1 million d’euros de CA, comme l’avait envisagé Bruno Le Maire à la mi janvier. En outre, le calcul des charges fixes inclura désormais le coût des congés payés des salariés en activité partielle et leurs frais de logement.
Enfin, Jean Castex a annoncé le lancement au printemps d’un plan d’investissement pour le tourisme de montagne. Le voeux du Premier Ministre, c’est que ce plan génère une offre « plus verte, plus diversifiée et plus compétitive ». Un plan co-conçu avec les collectivités territoriales, les entreprises et l’ensemble des acteurs de la montagne.
Au moins 5 milliards d’euros
Compte tenu de ce « choc sans précédent » pour un tourisme vital à nombre de communes et d’entreprises, les aides versées par l’Etat au secteur sont renforcées. Elles pourraient atteindre « 5, 6, 7″ milliards d’euros » -contre 4 milliards jusque là- car « l’Etat doit être présent » avec une « réponse massive », a indiqué Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat au Tourisme.
« Le gouvernement a tenu ses engagements », s’est félicité auprès de l’AFP Jean-Luc Boch, le président de l’Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM), saluant un « dispositif de compensations à la hauteur.»Si les finances des communes de montagne restent « délicates », « le plus important c’était de préserver le tissu économique local », ce que l’extension du dispositif d’aides aux coûts fixes permet, estime-t-il.
Du côté des stations, Alexandre Maulin, le président de Domaines skiables de France (DSF) s’inquiète toutefois du fait que les aides aux domaines skiables doivent toujours faire l’objet de dérogations validées par la Commission européenne. « On n’a pas de réponse »», regrette-t-il auprès de l’AFP.
3 millions d’euros insuffisants pour couvrir les charges fixes
En revanche, son de cloche très différent du côté du SNRT (Syndicat nationale des résidences de tourisme) et de l’Unat (Union Nationale des Associations de Tourisme et du Plein Air). « Nous sommes déconcertés et déçus par les résultats de cette réunion, regrette Pascale Jallet, déléguée générale du SNRT. Nous avions beaucoup travaillé avec les cabinets ministériels. Et Bercy semblait prêt à augmenter le plafond d’aide aux charges fixes, point crucial pour nos ETI (*) . Aucune mesure n’est encore prévue spécifiquement pour elles ! »
Réaction similaire de son confrère, Simon Thirot, délégué général de l’UNAT. « L’abandon du seuil du million d’euros de chiffre d’affaires pour accéder à l’aide aux charges fixes est évidemment une bonne nouvelle pour les hébergeurs de petite taille. Mais le gouvernement a oublié les ETI qui représentent la majorité du marché. Or sans une aide réellement proportionnée à leurs charges fixes, elles ne pourront pas survivre. 3 millions d’euros, ce n’est absolument pas suffisant. »
La majorité des adhérents des deux organisations, qu’ils relèvent du secteur marchand ou du secteur associatif, ont un point commun : leur taille ! Qui est un atout en période de croissance. Et qui devient un handicap en période de crise…
Le SNRT et l’Unat ont présenté à Bercy un mémorandum décrivant la situation de leurs entreprises. 70 % des lits professionnels (289 000 lits répartis entre 648 résidences de tourisme et 206 villages de vacances) sont exploités par des structures de plus de 10 établissements en ETI. Que leur statut soit en SA, S.A.S ou association. C’est le cas, par exemple, d’Odalys (74 résidences en montage). Pierre & Vacances (70). VVF (24 villages vacances). MMV (19). Club Med (14)… Et de 14 autres ETI.
Feu vert de Bruxelles à un plafond de 10 millions d’euros
Or, les charges fixes de chacune des ces ETI excèdent largement les 3 millions d’euros sur une saison. Selon le document de travail des OP, la prise en charge de 70 % de leurs charges fixes s’élèverait à 330 millions d’euros (200 pour les villages vacances et 130 pour les résidences de tourisme).
Les professionnels hébergeurs attendaient du Gouvernement un relèvement de ce plafond «coûts fixes ». Les concertations avec les cabinets ministériels et les récentes déclarations de Bruno Le Maire autorisaient cet espoir. D’autant que trois jours auparavant, vendredi 29 janvier, la Commission européenne annonçait qu’elle autorisait à porter le plafond d’indemnisation jusqu’à 10 millions d’euros, disponible jusqu’à fin 2021. Las, le 1er février, Jean Castex n’y a fait aucune allusion.
Le Gouvernement travaille déjà sur la faisabilité financière de ce nouveau plafond de 10 millions d’euros pour l’étage «coûts fixes ». Et les concertations vont se poursuivre avec les OP. Mais d’ors et déjà, les professionnels hébergeurs en Montagne préviennent ! 10 millions d’euros ne suffiront pas aux plus grosses ETI (une petite dizaine au total), pour couvrir les loyers de leurs structures.
Trésorerie exsangue et perte de fonds propres
L’Unat et le SNRT plaident, par conséquent, pour un examen au cas par cas. Ils font valoir des situations comptables critiques chez les exploitants. Trésorerie exsangue (avec la menace supplémentaire de rembourser 200 M€ d’avoirs clients). Pertes de fonds propres. Incapacité à poursuivre leur investissement (CAPEX). Le risque est majeur, qu’à la reprise, encore hypothétique, de l’activité l’été prochain, les entreprises ne soient plus en capacité de faire face à leurs charges courantes (OPEX). Le spectre d’une cessation de paiement se rapproche.
Bref, le dossier des mesures de soutien à la filière touristique en Montagne est loin d’être bouclé, aux yeux des organisations patronales. Tant qu’elles ne seront pas pleinement adaptées, proportionnées, à la taille de leurs entreprises. Le «quoi qu’il en coûte» devra s’opérer aussi en altitude…
(*) ETI : Entreprise de Taille Intermédiaire, de plus de 250 salariés