Les Glénans : une association mythique, membre de l’UNAT depuis 30 ans
A l’origine
En 1947, Hélène et Philippe Viannay, anciens résistants, souhaitent faire partager leur émerveillement pour l’archipel de Glénan situé à environ dix miles marins au large de Concarneau.
Constitué de neuf îles principales et d’un grand nombre d’îlots, l’archipel a parfois été décrit comme « un aperçu de Tahiti en Bretagne Sud ». Il est célèbre pour la clarté des eaux de « La Chambre », zone protégée au centre-ouest du « cercle de mer », souvent comparée à un lagon. Cet espace s’étend entre les îles Saint-Nicolas, Drénec, Bananec et Fort Cigogne, et sert de zone de mouillage aux plaisanciers.
C’est une idée humaniste et créatrice de lien social qui guide les créateurs en permettant à des personnes traumatisées par la seconde guerre mondiale (anciens résistants, rescapés des camps) de réapprendre la vie civile.
Ainsi naît l’école de voile des Glénans, devenue la plus grande école de voile d’Europe : chaque année, environ 15 000 stagiaires et 860 moniteurs (dont 800 bénévoles) participent à plus de 110 000 journées de voile, sous la supervision de 70 salariés permanents (renforcés par 30 salariés supplémentaires en saison). Depuis sa création, l’école a formé plus de 450 000 stagiaires. Elle offre des stages dans tous les domaines de la voile : le dériveur, le catamaran, la planche à voile, tout récemment le kitesurf et surtout la croisière, côtière et hauturière, qui constitue 70% de l’activité.
Innovants en matière de construction navale, sous l’impulsion de Philippe Viannay, les architectes Jean-Jacques Herbulot et Philippe Harlé conçoivent des bateaux qui sont vite devenus des classiques : le Vaurien, la Caravelle, le Corsaire, le Mousquetaire…. Aujourd’hui l’association continue à concevoir des bateaux adaptés à l’apprentissage, résistants aux rudes conditions d’une école de croisière et poursuit son projet d’accessibilité à la pratique de la voile pour tous. L’école est une association loi 1901 et est reconnue d’utilité publique depuis 1974.
Les sites
Si le siège est situé à Paris, l’école de voile a cinq bases en France :
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Archipel des Glénan depuis 1946
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Marseillan depuis 1970
Les Glénans sont aussi présents à Baltimore et sur l’île de Collanmore (Irlande), à Saint Marin en Martinique et disposent d’installations en Italie.
Tom Naude, chef de la base de Concarneau nous a guidé pour découvrir les coulisses et rencontrer des bénévoles et stagiaires installés sur la base et sur Penfret, la plus grande île de l’archipel.
A Concarneau sont installés les locaux administratifs et d’accueil des stagiaires, les ateliers de fabrication et de réparation des bateaux, des salles de formation, quelques chambres dortoir et un lieu de stockage dédié au ravitaillement des sites. Elément majeur de la réussite de l’organisation des stages, les trois liaisons par semaine entre Concarneau et les îles sont organisées par Luc, patron de liaison et Pascal, avec le bateau de pêche L’archipel. Les sites n’ont pas de congélateur, c’est pourquoi un dispositif spécifique a été élaboré de sorte que la chaîne du froid ne soit pas rompue. Des sortes de glacières, équipées de traceurs sont acheminées vers les îles avec les autres éléments de ravitaillement, le tout est ensuite transbordé sur des remorques amphibies spécialement conçues par les Glénans puis servi sur l’île.
Au départ de la base de Concarneau, il faut compter 1h pour rejoindre les quatre îles sur lesquelles Les Glénans sont installés. L’archipel dépend de la commune de Fouesnant, dont la propriété des îles est répartie entre Les Glénans, l’Etat, le Conservatoire du Littoral, et la famille Bolloré pour l’une d’entre elles. Sur Bananec, l’une des deux îles avec Penfret dédiée aux stages juniors, vous pourrez peut-être croiser Istin, une figure locale bénévole qui partage volontiers son bonheur d’être ici et qui prépare le site pour la saison. Les îles de Drenec et Fort-Cigogne sont dédiés aux stages adultes.
Ecole de voile, Ecole de mer, Ecole de vie
Le projet associatif des Glénans est basé sur des valeurs fortes : bénévolat et prise de responsabilités, confiance et solidarité intergénérationnelle, ouverture au plus grand nombre, apprentissage de la vie en collectivité, respect de l’environnement.
Avec des bateaux adaptés à chaque niveau, les stagiaires peuvent apprendre la mer en toute en sécurité. Solidarité et partage des tâches contribuent à forger le sentiment d’appartenance à son groupe et les nombreux bénévoles et moniteurs développent la prise d’autonomie et de responsabilité de chacun.
Véritable pierre angulaire du projet, le bénévolat représente 80% des moniteurs qui sont bien souvent d’anciens stagiaires. Pour Tom « les bénévoles sont aussi nos clients. Ils se font plaisir, montent en compétences, encadrent et partagent leur passion pour transmettre l’esprit Glénans ».
Nathalie…bénévole et maîtresse de maison sur Penfret, la plus grande île de l’archipel. Très impliquée, elle est également au Conseil d’administration de l’association : « J’ai commencé la voile à 18 ans, puis j’ai enchaîné différents stages afin de me former tout en prenant du plaisir; maintenant je donne de mon temps tout en continuant mes stages. La fonction de maître(sse) de maison est essentielle. C’est une sorte d’intendant qui nécessite beaucoup d’anticipation. Les stagiaires participent tous à la vie du site (nettoyage, cuisine, vaisselle etc), il est donc important que quelqu’un orchestre l’ensemble, c’est ma mission. Il suffit d’avoir suivi un stage aux Glénans pour « postuler » à cette fonction. Je suis là pour 5 semaines, en binôme avec un(e) autre bénévole. Une journée dans la semaine, chaque stagiaire fera partie d’une « bordée » qui sera briefée et accompagnée pour satisfaire aux tâches du jour. »
David…un jeune stagiaire enthousiaste à l’atelier vinaigrette. Lui ce qu’il veut c’est devenir moniteur «mes parents ont un voilier, je suis venu aux Glénans à la réputation excellente pour apprendre et devenir un marin autonome. Je passe quatre semaines en tant que bénévole pour différentes tâches et en échange on m’offre une semaine de stage. Ainsi, je peux petit à petit suivre les formations sans que cela me coûte trop cher. D’année en année, je retrouve un peu les mêmes copains de voile, depuis 10 ans ».
Différents types de navigation
La voile légère se pratique sur site : catamaran, dériveur, planche à voile. Le kite surf, a fait son apparition cette année.
Camille… salariée et responsable de la voile légère. Elle est basée sur les îles durant les six mois d’activité. La voile légère c’est « le plaisir d’un départ aux aurores pour admirer le lever de soleil, prendre son petit déjeuner sur Guiriden, petite langue de sable blanc posée au milieu de l’archipel, naviguer sur les eaux turquoises et partager ses émotions au retour… ».Stagiaire, puis monitrice, elle est maintenant salariée de l’association.
Le programme d’une journée : 8h petit déj – 9h préparation des embarcations – 10h tous sur l’eau – 12h30 retour – 13h déjeuner – 14h réunis pour le café, à quelques mètres de la plage, devant les cuisines, on évoque ses difficultés de navigation du matin, ses émotions, on parle de tout et de rien. Des planchistes, des jeunes en stage catamaran ou dériveur, les moniteurs, la « bordée » pas loin qui termine la vaisselle, tout ce monde-là partage l’esprit des Glénans si particulier– 14h30 les flots – 19h retour sur le site – 20h dîner.
La croisière, côtière ou au large : Franck Cammas, Maud Fontenoy, Henri Desjoyeaux, Éric Tabarly et bien d’autres sont passés par les Glénans. Aux Glénans, même les plus débutants peuvent profiter de la sensation de liberté que procure cette activité.
Olivier …salarié et responsable de l’activité croisière et son équipe, gèrent l’organisation de la flotte. Préparer les stages et leur logistique en lien avec les chefs de bord, apporter une aide à distance si nécessaire, au retour des embarcations le vendredi faire un point sur le ponton avec chacun, faire les réparations… C’est l’aventure, le dépaysement, un face à face avec la nature « c’est une aventure humaine avant tout ».
Jean-Philippe… chef de bord, de retour d’une semaine avec cinq débutants « pour chaque croisière, on commence par un briefing, puis on recueil les attentes et les objectifs de chacun. Puis à mi-parcours, on fait un bilan théorie et pratique. Le rythme est une notion importante, chacun doit s’y retrouver, on est là pour prendre du plaisir avant tout. Tout le monde est indispensable, c’est une aventure de groupe. A l’arrivée nous faisons le bilan personnel et collectif dans le cadre de la progression possible des niveaux fédéraux ».
Les stagiaires d’aujourd’hui sont les moniteurs de demain.
Quelles que soient les personnes rencontrées, c’est le souci de la sécurité, basé sur un savoir-faire reconnu dans le monde de la voile qui fait des Glénans « un passeport ». Au contraire de bon nombre d’écoles, les moniteurs sont sur les bateaux avec les stagiaires ce qui leur permet d’être au plus proches des problématiques rencontrées.
D’après Yann Le Lay, Responsable des bases « il n’y a pas de meilleure pédagogie que la transmission d’une passion» en parlant des nombreux bénévoles qui viennent chaque année. Pour devenir moniteur, Les Glénans proposent différentes qualifications, bénévoles et professionnalisantes.
Le monitorat FFVoile nécessite un très bon niveau pratique et se décompose de volets techniques et pédagogiques avec diverses options. Les moniteurs sont accompagnés dans leur progression avec une évaluation pour chaque stage qu’ils gèrent. Cette formule consistant à détecter les problèmes éventuellement rencontrés leur permet de poursuivre leur apprentissage tout en pratiquant.
Jean-Marie…moniteur depuis 4 ans, consacre une dizaine de semaines de bénévolat à l’association « le monitorat c’est un départ, c’est après qu’on apprend ».
Olivier…ancien stagiaire, bénévole en charge de la formation continue croisière. De février à fin juillet, une dizaine de stagiaires vont passer pour certains d’une méconnaissance quasi-totale de la voile au niveau de moniteur « ils sont de tous âges, de tous les milieux et avec des motivations différentes. Les uns avec la ferme volonté de devenir professionnels, certains pour concrétiser un vieux rêve, d’autres se cherchant une nouvelle voie et même des retraités viennent suivre cette formation… ».
Les Glénans ont par ailleurs obtenu l’habilitation comme centre de formation au Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du Sport (BP JEPS) depuis 2004 par la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale de la Bretagne. Cette formation permet de devenir enseignant de voile professionnel, en huit mois. Une quinzaine de stagiaires sont accueillis chaque année.
Depuis cinq ans, le Master of yachts 200 est également proposé, ce cursus forme les futurs professionnels qui exerceront une activité à l’international pour le convoyage ou le charter, sous tous les pavillons.
Apprendre à vivre avec son environnement
Depuis ses origines, Les Glénans sont actifs dans la protection de leur environnement, participant au classement de certains sites. En 1978, l’association est reconnue « association de protection de l’environnement » par l’agrément du 27 octobre 1978. Aujourd’hui l’archipel est Natura 2000 et l’association travaille de concert avec notamment le Conservatoire du littoral pour préserver les sites. L’insularité impose des moyens appropriés encore plus qu’ailleurs pour préserver l’environnement tout en préservant le confort des hébergements.
Pour Tom, « les contraintes prennent un sens particulier sur les îles, ça parle à des gamins de 17 ans. Tout n’est pas immédiat, il faut faire attention, préserver et respecter. C’est le message que nous voulons faire passer ».
Sur Penfret par exemple, des actions sont mises en œuvre au quotidien : chemins de passage obligatoires, campagnes de plantation de pousses d’arbres, plan de gestion écologique, utilisation d’énergies renouvelables (120 panneaux solaires et une éolienne qui fournissent 60 batteries de 2 volts représentent 7 500W). L’eau de pluie est récupérée dans des « vaches à eau » et celle des nappes phréatiques est également utilisée. Le tri mer/terre/feu organise les déchets suivant leur dernière destination. Il faut compter une poubelle par site et par jour pour 90 personnes, sachant qu’il est possible de recevoir 200 stagiaires uniquement sur l’île de Penfret.
L’aspect sanitaire est aussi un problème pour lequel l’association a dû trouver une solution : les « cunégondes », ici et là installées sur l’île. Près des hébergements, ces toilettes ont pour la plupart vue mer. Le principe est simple, un trou aménagé, une cabane en bois dessus, et voilà, le tour est joué. Elles sont déplacées toutes les semaines, le trou est rebouché et la nature fait son œuvre.
La voile pour tous
En 1971, la commission Ouverture a été créée afin d’étendre la pratique de la voile à des publics ne pratiquant pas cette activité. Un premier rapprochement avec le comité d’entreprise de Renault Billancourt a permis aux salariés de goûter aux joies de la mer.
Dans les années 80, des questionnements sur les fondamentaux de l’association et son devenir ont orienté sa stratégie vers une ouverture aux publics groupes (CE, mairies, collectivités, écoles, groupes d’amis et familles…) avec des programmes adaptés.
En 1982, c’est une commission « Voile et handicap » qui voit le jour afin d’intégrer un non voyant par stage ainsi que la mise en place d’accueil de personnes en fauteuil roulant.
Une opération emblématique « les Frères de Mer ».
En 1997, ce projet est mis en place par des bénévoles convaincus de pouvoir mettre leurs compétences au service de jeunes issus de milieux peu favorisés. Le projet donne la possibilité à ces jeunes d’entreprendre et de se réunir afin de construire eux-mêmes un petit voilier en bois, d’apprendre à naviguer et de participer à une chasse au trésor.
Dix villes proposent des équipes mixtes de 6 jeunes âgés de 13 à 16 ans et un animateur de l’organisme porteur de projet, ils seront accompagnés par 2 à 3 moniteurs et bénévoles des Glénans. Déjà 8 expériences réussies qui ont illustré tout l’intérêt d’un tel projet pour les jeunes, les réunir et bâtir une vraie cohésion d’équipe, leur faire découvrir un autre environnement et d’autres personnes. Une expérience riche tant sur le plan humain que social et vecteur d’intégration.
Associer équilibre économique et adéquation avec le projet.
Laurent Martini, Délégué général des Glénans et ancien Directeur général adjoint de l’UCPA en charge des opérations, est arrivé en 2011 aux commandes opérationnelles de l’association. Il a débuté sa carrière au Ministère de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs. Il est par ailleurs Secrétaire général de Solidarité SIDA, président du Paris Handball Association et administrateur de la Fédération de Handball.
Son objectif « associer le projet associatif, le projet sportif et le projet d’entreprise« . Une belle aventure qui doit concilier la pérennité économique des Glénans et son modèle social, éthique et solidaire dédié aux activités nautiques.
Les forces de l’association, rappelle Laurent Martini, sont basées sur un projet associatif indépendant qui a fait ses preuves. De plus, la reconnaissance dans le monde de la voile et au-delà de ce public d’initiés associée à une activité qui fait rêver, sont de réelles opportunités de développement. Mais sans maîtrise économique, il est impossible de faire vivre le projet.
Le maintien de l’accessibilité de cette activité au plus grand nombre passe aussi par la nécessité du renouvellement de la flotte et de son entretien, la rénovation des hébergements et leur mise en conformité. La chose n’est pas aisée car aujourd’hui le contexte règlementaire, les difficultés d’obtention des subventions sont autant d’obstacles à franchir.
En termes de coût, l’entretien des bateaux est un poste très important. En moyenne cela représente 10% du prix d’achat chaque année. Aux Glénans où les embarcations servent beaucoup et sont soumises à rude épreuve, il faut compter 13%. Pour un 9/10 mètres, ce sont 10 000 euros d’entretien par an. Pour couvrir l’achat et ce poste entretien, il doit être occupé au moins 45 semaines. Selon les sites de navigation, l’usure est différente. Pour certains, il faut reconstruire au bout de quatre ans ou les vendre. Les voiles ont une durée de vie de trois à quatre ans et d’une seule année pour les bateaux qui font la transat.
Impressions
Alizée, Catherine, Morgane, Nadia, Thomas, en croisière Horizon… « c’est une belle histoire et une belle expérience », « les moniteurs, ils sont jeunes, humbles, patients, on se sent toujours en sécurité », « pour la cohésion d’équipe c’est extraordinaire », « l’école de vie prônée par l’asso n’est pas un vain mot »,« on se lève tôt, on se couche tard, mais on est heureux, on construit notre stage ensemble », « l’histoire des Glénans c’est rassurant, je suis fière d’avoir fait les Glénans »
Elsa, Isabelle, Jérôme, Kolja, Réda… croisière niveau 3*. « Je viens d’Allemagne, c’est le bouche à oreille qui m’a fait connaître les Glénans », « l’enseignement se fait en sécurité, on a toujours confiance, ce n’est pas les mêmes règles dans d’autres écoles », « moi je suis autonome, j’ai un bateau et je fais toujours une semaine d’amarinage avant la saison estivale », « mes stages aux Glénans m’ont énormément apporté dans ma vie quotidienne. L’importance de la communication pour faire passer et faire comprendre des consignes », « rien de nous manque, on oublie tout en sécurité »…
Coordonnées :
Le ponton des Glénans
Quai Louis Blériot
75 016 Paris
Tél. 01 53 92 86 00
Mail. stagiaires@glenans.asso.fr