Les inégalités face au départ en vacances
Comment saisir tous les facteurs qui empêchent certains Français de partir en vacances ? Après une première enquête menée par l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT), Alliance France Tourisme et la Fondation Jean-Jaurès en 2022, dans un contexte d’érosion du pouvoir d’achat, un deuxième volet a été réalisé cette année. S’appuyant sur ses résultats, Antoine Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean-Jaurès, et Cécile Cottereau, déléguée générale de l’UNAT, décryptent ainsi les déterminants du comportement de nos concitoyens dans une période de grandes difficultés économiques.
Les vacances, moment indispensable dans la vie des Français
La première chose notable dans notre enquête est l’aspect essentiel des vacances dans la vie des Français. En effet, lorsqu’on leur demande ce que les vacances leur évoquent spontanément, les premiers éléments cités sont le fait que les vacances sont un moment de déconnexion par rapport au quotidien (35%), un repos bien mérité (31%) et un temps consacré à sa famille et à ses amis (28%). Ces éléments montrent à quel point les vacances sont un moment attendu par les Français, un moment pour se ressourcer et ne plus être soumis aux problématiques du quotidien et à la charge physique et mentale induite par les conditions de travail. À ce niveau, un léger clivage social apparaît : 43% des catégories supérieures évoquent les vacances comme un moyen de déconnexion contre 33% des catégories populaires, alors que 45% des catégories populaires évoquent un repos bien mérité contre 28% des catégories supérieures.
L’aspect financier, un frein majeur à l’organisation des vacances
60% des Français déclarent ainsi avoir renoncé à partir en vacances lors des cinq dernières années et 36% déclarent même que cela leur est arrivé « souvent ». D’une manière assez similaire, 52% des Français ayant des enfants de moins de 18 ans déclarent également avoir déjà renoncé à faire partir leurs enfants en vacances d’été pour des raisons financières. En outre, ces chiffres varient énormément selon les territoires, puisque 70% des Français vivant dans le Nord-Est n’ont pas pu faire partir leurs enfants contre 35% des Français habitant l’Île-de-France.
Évidemment, concernant le non-départ en vacances, un clivage social préoccupant se dessine à ce niveau : 67% des employés et 76% des ouvriers ont déjà renoncé à partir en vacances pour des raisons financières contre 45% des cadres. Le différentiel est important, mais ne doit pas non plus masquer une réalité plus large. Si près d’un cadre sur deux a déjà renoncé aux vacances d’été dans les cinq dernières années pour des raisons financières, c’est bien qu’il existe un problème majeur et structurel lié à ce moment pourtant indispensable dans la vie des Français. Si 87% utilisent leurs économies, 55% optent également pour d’autres moyens pour partir en vacances à moindre frais, en se faisant notamment héberger par leur famille ou leurs amis. Ce chiffre est par ailleurs en augmentation de six points depuis un an, preuve des difficultés économiques actuelles en période d’inflation. D’ailleurs, sur ce point précis, 60% des Français déclarent qu’ils ont changé leurs plans et la façon d’organiser leurs vacances d’été, en raison de la hausse des prix.
Comment faire face à la problématique financière des vacances d’été ?
Les dispositifs institutionnels d’aide financière au départ en vacances sont assez peu utilisés : 26% des Français dans notre enquête disent avoir déjà utilisé les chèques-vacances, 10% disent avoir déjà reçu des aides des comités d’entreprise et 3% des aides de la Caisse d’allocations familiales (CAF). Comment expliquer un si faible recours ? Le premier élément concerne sans surprise un déficit de notoriété de certains dispositifs.
Ainsi, à titre d’exemple, seulement 44% des personnes ayant entendu parler des chèques-vacances les ont déjà sollicités, 26% pour les aides des comités d’entreprise et 14% pour les aides des CAF. Ce non-recours aux dispositifs d’aide aux vacances est un enjeu central de politique publique pour les années à venir : seulement 25% des personnes dont le revenu par personne du foyer est inférieur à 900 euros ont déjà eu recours aux aides des caisses d’allocations familiales, alors qu’elles y sont évidemment éligibles.